Week 9 – 02/11/2010 – 1ère Année

Semaine de congé pour le monde scolaire, donc pas de cours de cuisine cette semaine. On en profite pour organiser une visite du magasin ISPC à Liège. Ce magasin est spécialisé dans les produits & le matériel pour les professionnels du monde de l’horeca. Rendez-vous vers 10h au magasin sur le zoning industriel des Hauts-Sarts à Herstal. Il est à noté que l’accès de ce style de magasin est réservé aux professionnels et donc la présentation d’une carte de client est demandée. Pas évident donc d’entrer dans la caverne d’Ali Baba pour cuistos !

Piloté par notre super chef, nous entrons dans le magasin, la chance nous sourit tout de suite, c’est journée dégustation ! des stands partout ! du miam et du glouglou ;-)

Découverte de nouveau produits, stock important, packaging pour grosse quantité, on est loin de nos courses d’un jours ! C’est la grosse artillerie !  Tout au long de la visite et des explications de Jean Lizin (notre professeur), nous découvrons un univers où les éléments temps – gains – productivité et qualité sont souvent mis dans la balance et ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne.  Et c’est ici que la polémique commence, devons-nous suivre, comme le crie haut et fort certains chefs, la voie du produit parfait et de l’exécution impériale pour sublimer notre met et nous conduire au plaisir suprême ! Ou alors se contenter de légumes ou de fruits prédécoupés et d’une crème brulée en bouteille prêt pour la cuisson et d’autres produits en poudre qui par enchantement se transforment en  biscuits ou mousse au chocolat. Certains diront : “Pas le temps ! pas de personnels, trop cher, t’imagine le prix du plat !”.  Je vois mal  Heston Blumenthal, Gordon Ramsay ou Thierry Marx monter une sauce avec un roux en granulé ! Maintenant on est dans le top aussi, ils ont une brigade aussi grosse qu’une équipe de foot avec la réserve. L’argent pour acheter les meilleurs produits cachés dans le fin fond de la terre ! Mais on ne devient pas meilleure table du monde avec une mousse au chocolat en poudre !  Ou alors je vis dans le monde de Casimir et l’envers du décors est pourri. Je peux comprendre que l’utilisation de certains produits est un gain de temps indéniable et que le rapport temps / prix prend le pas sur l’esthétisme culinaire et je suis loin d’être le mieux placé pour porter un jugement. Mais l’impression générale en sortant de ce magasin, c’est que Louis de Funès n’était pas loin de la vérité avec son film : “l’aile ou la cuisse”. Maintenant, qu’il soit bien clair que les produits présentés chez ISPC sont d’une qualité et d’une fraicheur parfaite. Il y a un choix de viandes, volailles, poisons, crustacés, produits laitiers et autres que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Cela fait des années que j’attendais de pouvoir entrer dans ce magasin et j’y retournerais surement pour y faire mes achats. Je m’interroge ici  sur l’éternel conflit entre productivité et qualité. Je vais donc mener l’enquête parmis les chefs de ma connaissance et avoir la version des professionnels sur le sujet. Il est clair aussi que votre avis sur la question est le bienvenu et nous permettra d’avancer sur le sujet.

Note : 04/01/11

Comme promis, j’ai commencé ma petite enquête au pays des cuisines. Je vous confirme que je vis bien dans le monde de Casimir ;-) L’envers du décors est pourri en fonction du prix du décors.

J’ai donc eu de longues discussions  avec plusieurs chefs. Le discours est le même pour tous. Après 6 ans d’études, les stages, les apprentissages et les débuts dans des restaurants avec une, voir deux étoiles, puis le retour des brasseries, on passe de la phase Mr Propre à la résignation et au train train quotidien. Une fois sorti de l’école, le désir de faire de la bonne cuisine est le plus fort. La recherche du bon produit, respecter les produits et les clients. Et c’est le cas pour la plupart. Mais cela a un prix. Et c’est là que ce situe le problème, les établissements ne sont pas toujours tenu par des chefs  “de cuisine” mais par des chefs d’entreprise. Et rentabilité est le mot premier. Pourquoi acheter une sole entière et fraîchement pêchée pour ensuite payer un employé pour en lever les filets alors que l’on trouve les même filets en surgelé. Les mêmes ? Pas sur, mais le client, verra-t-il la différence… Et c’est le même discours pour les autres produits.  Par contre, nous ne trouverez jamais ce genre de démarche dans les restaurants d’un niveau “gastronomique”. Mais le problème, c’est que l’on franchi le fossé entre le bistrot ou la brasserie et le restaurant une ou deux étoiles. Les prix ne sont plus les mêmes. Quand on multiplie le prix de reviens par 3 ou 4 dans une brasserie, on est largement au-dessus dans un restaurant étoilé. Il y a aussi depuis quelques années un mouvement, démarré à Paris, qui cherche à élever la cuisine de bistrot au rang du top de la gastronomie. Énormément de chef étoilé ouvre des brasseries ou des bistrots.  Christian Constant en est le plus bel exemple ! Ne venez pas dire que je dénigre les brasseries ! D’un autre côté, l’investissement du chef n’est pas le même. Il faut choisir entre vie de famille et rentabiliser son établissement ou faire ses 5 jours dans la cuisine et les deux derniers dans des cours, formations, stages, conférences et finir dans son laboratoire pour élaborer ses futur plats. Mais il n’y a pas de continuité dans la progression depuis la sortie de l’école et ouvrir son propre restaurant. Il y a une phase d’apprentissage  puis il faut choisir, “se réaliser”. C’est trop cher, trop d’investissement. Accepter de travailler avec des produits de moindre qualité ou y aller à fond et percer le panier pour atteindre le top. Certains des chefs rencontrés sont dégoutés mais ils ont fait un choix, ils touchent leurs chèques  fin du mois et profitent de leurs familles un fois rentré chez eux. Pour d’autres la cuisine est devenue religion, c’est marche ou crève ! Voilà ! En résumé, oui, certains établissements utilisent ces produits et d’autres non. Chacun son truc et au client de faire son choix.

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